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Dominique Roodthooft : comédienne, metteure en scène et directrice artistique de la structure

Le travail de Dominique Roodthooft relève d’une écriture de plateau ou de montage de textes non théâtraux, sensibilisée depuis son premier métier (assistante sociale pendant huit ans dans un centre PMS) à l’aspect humain, les liens et « la vraie vie ». Mais aussi, elle a eu la chance, dans le cadre de formations, de participer dès son plus jeune âge, à une réflexion sur la pédagogie et la manière dont l’organisation ou l’institution peut transformer l’homme.
Cette période lui a permis de rencontrer des personnes qui l’ont fait réfléchir à des fondements qui continuent de guider sa vie, comme par exemple, le phénomène des attentes. Au cours d’une université d’été, elle a eu l’occasion de travailler avec Odette et Henri Bassis qui sont les fondateurs du Groupe Français d’Education Nouvelle, un mouvement pédagogique militant très engagé sur la question de la réussite pour tous les enfants en gardant un niveau d’exigence très élevé. Ce fut un tournant car elle a pu vraiment comprendre au plus profond d’elle même à quel point lorsque l’on attend quelque chose d’une personne ou d’une situation (qui n’existe pas au départ), on met en place (la plupart du temps d’une manière inconsciente) des dispositifs pour que les attentes se réalisent vraiment.
En outre, très vite dans ce premier métier, elle ressent que les choses sont décidées avant qu’elles ne se passent et ce malgré les désirs des individus. En fait, elle réalise assez rapidement que son rôle est souvent déterminé par l’institution ou la situation : elle se passionne alors pour l’analyse la psychologie et la pédagogie institutionnelle, qui lui font comprendre qu’en changeant l’institution et/ou la situation, l’homme se transforme presque naturellement.
Huit années plus tard, elle finit par quitter son métier pour inventer une nouvelle situation dans laquelle elle pourra développer plus profondément ses idées. Elle a donc choisi la scène, lieu neutre, boîte noire où tout est à réinventer à chaque projet.
En plus du phénomène des attentes, de l’analyse institutionnelle et de l’organisation du pouvoir, son engagement professionnel est guidé par la question des nouvelles résistances. En effet, actuellement, beaucoup de citoyens s’activent et se mettent en réseaux, créent des situations dans lesquelles ils peuvent réinventer des mondes sans prendre le pouvoir et sans l’imposer nécessairement à tout le monde. La conséquence logique à tout cela est la fondation de la maison de création le corridor.
Son travail de création est reconnu par des festivals de renommée internationale (le Kunstenfestivaldesarts en 2009 et 2011, le Festival d’Avignon IN en 2010, à la 25ème heure et le festival d’Avignon OFF, au Théâtre des Doms - vitrine de la Communauté française de Belgique en 2009, 2013 et 2017).

 

Son parcours d’artiste : elle reçoit son Premier Prix d’Art Dramatique au Conservatoire Royal de Liège en 1993. S’engageant dans de nombreux projets artistiques, elle explore les divers champs de la création théâtrale: de la mise en scène pour adultes au jeu d’acteur, en passant par la formation et la conception de spectacles pour enfants ou de spectacles itinérants. En 1994, elle fonde la compagnie Grand-Guignol (rebaptisée le corridor en 2004) avec laquelle elle réalise de nombreux projets collectifs. Dominique Roodthooft collabore aussi avec les compagnies Arsenic, Transquinquennal et Dito’Dito. Parmi ses créations, citons Le Paradis des chiens (Prix du Théâtre 1998 Jeune compagnie), Le dernier chant d’Ophélie (1999), Sur les traces d’Oskar Serti (2000), Construire un feu (Prix du Théâtre 2003, Meilleur seul en scène). Elle met en scène L’Opéra bègue (2004) (Prix du Théâtre Meilleure Scénographie) et Du pain pour les écureuils (2006) d’après des textes de Pieter De Buysser. On a pu la voir jouer dans M/W (2004) de Célia Houdart, Incendies (2008) de Wajdi Mouawad mis en scène par David Strosberg et dans Le Diable abandonné (2007-2009), fantaisie lettriste en trois tableaux de Patrick Corillon. Au Kunstenfestivaldesarts, elle a joué dans Doctrine de Rehan Engineer en 2008 et a reçu une carte blanche en mai 2009. Elle y a créé: Smatch 1 - Si vous désespérez un singe, vous ferez exister un singe désespéré. Le second Smatch - Push up daisies ou manger les pissenlits par la racine ? qui a également été créé au Kunstenfestivaldesarts 2011. Au travers de soirées composées, elle met en lien des philosophes, cinéastes, plasticiens, citoyens, poètes, sociologues, militants pour développer un même thème et tricoter des approches différentes. Smatch 1 a été présenté au Festival d’Avignon en juillet 2010 dans le cadre de la 25ème heure. Le Smatch 3 - Même si vous tremblez de peur, introduisez votre tête avec calme à été créé à Mons en décembre 2013, puis au KVS et au Théâtre de Liège en 2014. En 2016, elle crée Thinker's Corner, une intervention dans l'espace public, présenté notamment en 2017 au Théâtre de la Bastille et au Festival OFF d'Avignon (Théâtre des Doms et Villeneuve en scène).

Elle crée en octobre 2018  le spectacle, Cocon!  (Coproduction Rideau de Bruxelles -Théâtre de Liège). Un cocon, c’est le lieu nécessaire à la métamorphose, l’abri d’une promesse, l’expérience du devenir autre, le lieu d’incubation de tous les possibles. Le spectacle est une célébration de la transformation et du lien.  Les œuvres et la vie de Judith Scott, artiste d’art brut devenue célèbre, sont à l’origine de la réflexion autour de Cocon ! Au centre, la question de l’abandon et du rejet des minorités, des êtres « inappropriés » tels que l’était Judith Scott, trisomique, sourde et muette, longuement éloignée de sa sœur jumelle dès l’âge de sept ans. Cocon ! se présente comme un laboratoire de recherche sur ce que génère l’histoire de Judith Scott. Le projet s’inspire également d’auteurs comme David Abram, Nicolas Frize et surtout Donna Haraway. Son ouvrage Staying with the trouble guide en effet dans une large mesure cette création collective.  Abolissant toute primauté hiérarchique, cette philosophe écoféministe prône un univers de multiples règnes où nous avons à apprendre des animaux et autres êtres vivants et où nous sommes invités à composer avec eux.

En 2019, elle crée Patua Nou, une démarche d'art vivant pour la rue autour de l'exil, traité comme un mouvement vital et universel vers l'ailleurs. Une thématique qui fait écho aux migrations contemporaines mais qui est abordée de façon joyeuse et poétique par le chant et le dessin, non pas pour fuir le réel mais bien pour s’y confronter avec un regard bienveillant, questionneur, éloigné de la peur ou de la souffrance qui empêchent de penser.

En 2020, dans le cadre de la Biennale de l’Image Possible (BIP), elle crée L’éponge & l’huître, ou que faire des crasses qui nous traversent ? Il s’agit d’une visite guidée-spectacle, un parcours déambulatoire parmi les œuvres produites (graphiques, cinématographiques ou audiophoniques) par 26 créateur.rice.s d’origines différentes qui activent personnellement et artistiquement cette question des crasses et de ce que l’on en fait.

 

 

Scènes de femmes - Femmes créatrice : VincianeDespret

 

Philocène n°135 - Juillet 2018 - Amener la pensée sur scène

 

 

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