la structure
(…) Un poète de ce désenchantement baroque et ultramoderne, le Viennois Ferdinand Raimund, parle dans sa Couronne maléfique - une comédie populaire du début du XIXème siècle- d’une bonne fée qui donne au protagoniste, Ewald, un flambeau magique, lequel a le pouvoir de transfigurer la réalité: celui qui regarde le monde à la lueur de ce flambeau voit partout splendeur et poésie, même là où il n’y a que misère et laideur. La fée Lucina, en offrant ce cadeau à Eswald, lui révèle l’artifice, le prévient que la torche lui montrera des choses très belles, mais qui ne seront qu’illusion. Cette connaissance toutefois ne détruit pas la séduction des choses éclairées par cette lumière et la vie d’Ewald, grâce à ce don, devient plus riche. Ce flambeau n’est pas faux. Ceux qui s’en servent sans savoir qu’il embellit le monde sont trompés, parce qu’ils ne voient pas la douleur et l’abjection et s’imaginent que l’existence est harmonieuse. Mais ceux qui la refusent sont eux aussi aveugles et obtus, parce que ce don, qui illumine la grisaille du présent, fait comprendre que la réalité n’est pas seulement platitude et misère. Derrière les choses telles qu’elles sont il y a aussi une promesse, l’exigence de ce qu’elles devraient être; il y a la potentialité d’une autre réalité, qui pousse pour venir à la lumière, comme le papillon dans sa chrysalide.
Claudio Magris (1999) Extrait de « Utopie et désenchantement »
Maison de création pour les arts vivants, le corridor développe une démarche axée sur des questions philosophiques et politiques, ancrées dans l’histoire et l’actualité du monde, de ses cultures et de ses sciences. En créant des ponts entre l’art vivant, l’art plastique et la musique, il connecte ceux-ci avec d’autres formes telles la pensée, la grande histoire/la grande culture, la philosophie et la science. Considérant l’œuvre d’art vivant non pas comme un produit fini mais comme un des éléments faisant partie d’une chaine, il propose d’amener le public à l’art à travers différentes activités dans lesquelles tout est interconnecté. Ces actions sont considérées comme un outil au service d’un propos et non au service d’un esthétisme.
Mu par la nécessité de raconter de nouvelles histoires et de restaurer des propos existentiels et philosophiques, universels à la condition humaine, le corridor porte un intérêt croissant aux formes artistiques où la question du théâtre n'est pas centrale. Mais où la théâtralité s’immisce, pour donner lieu à des conférences scientifiques poétiques, des œuvres plastiques mises en scène, des contes scéniques, des documentaires dessinés, des laboratoires d’idées.
Mu également par la nécessité de mettre à nu les processus de création, le corridor permet au spectateur, par la mise en place de dispositifs de rencontres et de médiations, de s’emparer de ces moyens pour devenir à son tour créateur et/ou acteur plutôt que consommateur passif.
La spécificité des actions proposées par le corridor est de placer l’art vivant au centre de ses pratiques, tout en intégrant d’autres domaines :
• domaine de l’art : art plastique, film d’animation, musique et graphisme.
• domaine du savoir : science, philosophie et pédagogie.
Cette spécificité permet de tisser des liens entre différents lieux liés à la culture, à la science, à la vie citoyenne : musées, bibliothèques, théâtres, écoles, hôpitaux, lieux publics extérieurs (parcs, rues, places). Agissant comme une sorte de catalyseur, le corridor renforce dès lors, grâce à ses projets transversaux, la construction d’un projet commun tout en permettant à chaque structure partenaire de garder son autonomie.
le corridor, depuis sa création en 2004, envisage le projet d’art vivant comme matière à penser et à construire d’autres façons de voir, de s’engager, de tisser des liens. Il utilise la stratégie du contrepied pour placer le spectateur dans un inconfort joyeux qui lui permet de penser librement :
- sortir de l’anthropocentrisme qui oppose les mondes
- s’éloigner de la tyrannie de la réalité qui nous empêche de rêver (et donc de créer et prendre en main notre destin) en redonnant de l’importance aux histoires
- se détacher de l’urgence de l’actualité pour s’arrêter et penser
- encourager des situations d’intelligence collective
Dans cette optique, une œuvre d’art vivant peut donner lieu à une rencontre après la représentation, un atelier philosophique, une conférence, une activité en bibliothèque, une édition ou des formations. L’idée mise en évidence à travers ces démarches est de créer des projets vivants se déployant sous différents formats : de la grande forme à des formes plus légères et autonomes, adaptables à différents lieux et permettant par ce fait, de rencontrer différemment le public.
Pour toutes ces raisons, le corridor, fabrique de spectacles, est aussi une maison d’éditions, un lieu de résidences d’artistes, une plateforme de rencontres des publics et, ponctuellement, un lieu de représentations de petites formes.
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